Dans une étude de l'Université du Missouri, Sarah A. Johnson et son équipe ont exposé des souris au BPA et à l'EE, pour observer des troubles du comportement chez les petits enfants de ces souris.
BPA : Le bisphénol A est une substance chimique de synthèse utilisée depuis plus de 50 ans dans un grand nombre d’applications industrielles. Ses deux principales utilisations ont longtemps été la fabrication de plastique (de type polycarbonate) et de résines époxydes. Il est aussi utilisé comme composant d’autres polymères et résines (polyester, polysulfone, résines vinylesters…). Il intervient dans la synthèse de certains retardateurs de flamme et comme révélateur dans les papiers thermiques (tickets de caisse notamment). L’Agence, sur la base de ses travaux portant sur l’étude des usages et l’expertise des effets sanitaires du BPA a recommandé dès septembre 2011, une réduction des expositions de la population, notamment par sa substitution dans les matériaux au contact des denrées alimentaires.
EE : L’éthinylestradiol est un œstrogène. Il a un effet trophique sur l'endomètre et une action antigonadotrope. C'est donc un dérivé de synthèse de l'estradiol. C'est l'œstrogène actif par voie orale le plus utilisé au monde. On le trouve dans presque toutes les formulations modernes des pilules contraceptives combinées.
Méthode de l'étude
L'exposition des grands-parents se faisait via la nourriture pendant deux semaines avant leur accouplement. Ce qui provoquait dans leur sang des concentrations en polluant relativement élevées par rapport à celles que l’on peut détecter chez l’homme.
Sarah Johnson et ses collègues ont constaté que les petits-enfants de grands-parents exposés aux polluants ont des vocalisations bien différentes de celles des souriceaux dont les grands-parents ont grandi dans un environnement non pollué. Par exemple, les petits-enfants de souris exposées à l’EE mettent plus de temps à émettre leur premier cri à la naissance (comparé aux souriceaux témoins). En outre, les bébés femelles indirectement exposées au BPA émettent des "syllabes" plus courtes juste après la naissance, mais plus longues au bout d’une vingtaine de jours, comparé aux souris témoins et à celles dont les grands-parents ont été exposés à l’EE. Cela prouve que le BPA n’active pas de la même façon que l’EE les récepteurs aux œstrogènes, et que les petites souris expriment ainsi une forme de détresse. Toutefois, c’est l’inverse pour les bébés mâles issus de grands-parents contaminés : ils crient plus longtemps après leur naissance. Les effets des polluants dépendent donc du sexe. En outre, entre 7 et 14 jours après leur naissance, tous les bébés ayant eu des grands-parents exposés à un perturbateur font beaucoup plus de "phrases" que les souriceaux descendant de grands-parents non contaminés, comme si les premiers réclamaient ainsi davantage d’attention à leurs parents.
Pourquoi de tels effets ?
Les deux molécules testées, le bisphénol A (BPA) et l’éthinylestradiol (EE), sont des perturbateurs endocriniens. Ce sont des molécules aux propriétés hormonomimétiques, c’est-à-dire qui ressemblent à nos hormones et peuvent ainsi soit mimer, soit bloquer leurs actions, en se liant à leurs récepteurs. Or les hormones possèdent des effets multiples, en particulier sur la croissance, la prolifération et la différenciation des cellules et des tissus : elles influent donc beaucoup sur le développement du cerveau, notamment pendant la grossesse et chez les tout-petits. Ces nombreuses fonctions représentent autant de voies pouvant être la cible des perturbateurs.
Lien avec l'autisme ?
Les chercheurs pensent que oui : "Des hormones/gènes, qui régulent les vocalisations des bébés rongeurs, peuvent être altérés, dans le développement ou par une exposition multigénérationnelle au BPA et à l'EE, tels que la serotonine, les récepteurs de dopamine, etc." Or l'altération de la sérotonine cause des troubles neuro développementaux comme l'autisme.